Le Menteur - Acte I - Scène 3

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DORANTE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE, CLITON. 

Dorante

C’est l’effet du malheur qui partout m’accompagne.
Depuis que j’ai quitté les guerres d’Allemagne,
C’est-à-dire, du moins, depuis un an entier,
Je suis et jour et nuit dedans votre quartier,
Je vous cherche en tous lieux, au bal, aux promenades,
Vous n’avez que de moi reçu des sérénades,
Et je n’ai pu trouver que cette occasion
À vous entretenir de mon affection.

Clarice

Quoi ! vous avez donc vu l’Allemagne et la guerre ?

Dorante

Je m’y suis fait quatre ans craindre comme un tonnerre.

Cliton

Que lui va-t-il conter ?

Dorante

Et durant tout ce temps
Il ne s’est fait combats, ni sièges importants,
Nos armes n’ont jamais remporté de victoire,
Où cette main n’ait eu bonne part à la gloire :
Et la gazette même a souvent divulgués…

Cliton, le tirant par la basque.

Savez-vous bien, Monsieur, que vous extravaguez ?

Dorante

Tais-toi.

Cliton

Vous rêvez, dis-je, ou…

Dorante

Tais-toi, misérable.

Cliton

Vous venez de Poitiers, ou je me donne au diable,
Vous en revîntes hier.

Dorante, à Cliton.

Maraud, te tairas-tu ?

À Clarice.

Avec assez d'honneur j'ai souvent combattu,
Et mon nom a fait bruit peut-être avec justice.

Clarice

Qui vous a fait quitter un si noble exercice ? 

Dorante

Revenu l’autre hiver pour faire ici ma cour,
Je vous vis, et je fus retenu par l’amour.
Attaqué par vos yeux, je leur rendis les armes,
Je me fis prisonnier de tant d’aimables charmes,
Je leur livrai mon âme, et ce cœur généreux
Dès ce premier moment oublia tout pour eux.
Vaincre dans les combats, commander dans l’armée,
De mille exploits fameux enfler ma renommée,
Et tous ces nobles soins qui m’avaient su ravir,
Cédèrent aussitôt à ceux de vous servir.

Isabelle, à Clarice tout bas.

Madame, Alcippe approche, il aura de l’ombrage.

Clarice

Nous en saurons, Monsieur, quelque jour davantage.
Adieu.

Dorante

Quoi ? me priver si tôt de tout mon bien !

Clarice

Nous n’avons pas loisir d’un plus long entretien,
Et, malgré la douceur de me voir cajolée,
Il faut que nous fassions seules deux tours d’allée.

Dorante

Cependant accordez à mes vœux innocents
La licence d’aimer des charmes si puissants.

Clarice

Un cœur qui veut aimer et qui sait comme on aime,
N’en demande jamais licence qu’à soi-même.

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